La Bonne Nouvelle
La multitude de ces gens : athées, incroyants, indifférents, apparaît comme immunisée vis-à-vis de l’Évangile comme l’est un organisme vacciné vis-à-vis d’une contagion. En face de cette immunité que la raison constate et prouve, tout effort missionnaire est tenté de découragement.
Non seulement l’Évangile semble ne plus être une nouvelle, mais il semble ne pas pouvoir être une bonne nouvelle. Partout où la mission s’amorce, c’est le même écho : « la foi? Ils n’en ont pas besoin... ». Dans notre monde les besoins se renouvellent, se multiplient, mais les richesses de l’Évangile ne sont pas cotées au marché; elles sont hors cours parce que personne ne les demande. Telles qu ’elles sont connues, personne n’en voudrait, même en cadeau. Un peu comme ces résidus d’héritage qui font démodé, qui encombreraient sans servir à rien et qu’on donne au brocanteur, pourvu qu ’il en débarrasse.
Ce que sont en vérité les richesses de l’Évangile, elles ne manquent pas : ce qu’elles sont, on ne sait pas que ça existe ; l’inconnu, l’ignoré est forcément indésirable. Le monde se présente à nous comme suffisant. Il suffit aux hommes qui le forment. Pas de place pour ce qui n’est pas lui.
Et là, il n’est pas question d’un Évangile ou trop disant, ou annoncé dans une langue étrangère, ou trahi par de mauvais témoins. Il est question d’une surdité intellectuelle à ce que nous voulons dire : non seulement au surnaturel mais à tout ce qui, dans l’homme, ne se satisfait pas du monde seul.
Madeleine Delbrêl (Nous autres, gens des rues,P.188)